Pour
présenter ce recueil de nouvelles mi-autobiographique, mi-fictionnel,
je vais, plutôt que d'en faire un
résumé rapide comme à mon habitude, mettre une vidéo (disponible
sur le site des éditions 13ème Note ainsi que sur YouTube) dans laquelle
Tony O'Neill en fait lui-même sa présentation
:
Notre-Dame du Vide
parle d'un sujet qui m'a toujours intéressé au plus haut point en
littérature : les
addictions, diverses et variées, et leurs conséquences sur l'Homme.
Je pourrais citer un nombre incommensurable d'oeuvres lues, allant du
XIXème siècle jusqu'aujourd'hui, mais là n'est pas
l'intérêt...
L'intérêt
se situe avant tout pour moi dans le fait que ce type de récits raconte
à la fois une expérience
personnelle et universelle : dans la déchéance, celui qui raconte
son histoire semble bien souvent devenir un homme parmi d'autres,
perdant toute individualité au profit de son addiction.
C'est
ce qui est justement bien mis en évidence par ces nouvelles de Tony
O'Neill, qui met en parallèle sa
propre expérience avec celle d'autres junkies qu'il a pu rencontrer
au cours de son périple à Los Angeles. On passe ainsi de l'anecdote le
concernant à celle d'un de ses compagnons de galère,
d'une scène réelle à celle imaginée... Je trouve donc qu'on touche
pleinement à ce que j'évoquais quelques lignes plus haut, rendant ce
livre hautement intéressant à mes yeux.
Pour cette raison, je relirai volontiers cet auteur, au contraire de William Burroughs Jr qui renvoie au même
sujet(voir ma chronique ici).
J'ai autant aimé son style d'écriture,
à la fois réfléchi et spontané selon les passages(la traduction
semble l'avoir reproduite le plus fidèlement possible)que ce mélange
d'expériences, personnelle/universelle ou réelle/fictive.
C'est ce qui donne à mon sens le maximum de cartes en main au
lecteur pour comprendre ce qu'implique la vie d'un junkie, sans tomber à
aucun moment dans la dramatisation, mais en passant au
contraire par de la "légèreté" et de l'humour (assez noir malgré
tout)pour parler d'une situation sombre dont il est difficile de
s'échapper.
Voici un extrait, assez long, mais qui me semble significatif par ce qu'il met en jeu narrativement et
stylistiquement :
Blotti
dans mon placard, paralysé par la trouille et psychotisé par la coke,
j'entends
Susan quitter la chambre sur la pointe des pieds. Ensuite, je
l'imagine qui longe le canapé du séjour où dorment Tori et Xavier, puis
qui sort de l'appart et enfin de l'immeuble avant de gagner
la voiture. A peine est-elle partie que je suis obsédé par cette
idée : j'aurais dû l'accompagner. Putain, qu'est-ce que j'attends ici ?
Pas moyen de réfléchir clairement. Je n'ai pas dormi plus
de quatre heures depuis trois jours, je sens mes yeux vibrer dans
leurs orbites, mon coeur cogner contre ma cage thoracique. Et si elle
avait l'intention de m'abandonner ici ? Je peux vraiment
croire à son retour ? Au fond de moi, je sais que si un dealer lui
offre du crack en échange d'une fellation, elle dira oui et me laissera
crever ici. Je suis le dernier des
cons.
Oh, mon dieu.
Mon Dieu, fais qu'ils ne se réveillent pas. [...]
Dieu ? Voilà que tu pries Dieu, maintenant ?
Tu t'es écouté ?
OH, MON DIEU, S'IL TE PLAIT.
Ferme
ta putain de gueule ! Tu sais que Dieu n'existe pas plus que le père
Noël ou
Notre Dame de Gaudalupe. Tu le sais, non ? T'en es sûr et certain !
T'as lu Nietzsche. Tu remplis tes veines de dope et ta tête de philo. Et
la dope et la philo te disent la MEME PUTAIN DE
CHOSE.
Que tu es seul.
Seul.
Seul
avec cette pile de fringues sales et ce dealer de crack qui ronfle dans
la pièce
voisine et qui va te zigouiller s'il se réveille. Et où est Susan ?
Partie trouver de l'héro. Et t'as décidé de rester là, sous une pile de
fringues, en espérant que le dealer et sa gonzesse ne
se réveillent pas.
Crétin !
Connard !
Tête de noeud !
Ne prie pas Dieu, enfoiré d'hypocrite ! Prie à ce que tu crois ! Adresse tes prières
au vide ! Au néant ! A Notre Dame du Vide ! ADRESSE TES PRIERES AU VIDE.
Etendu
là, j'essaie de repasser le film de ma vie jusqu'au moment précis où
elle a mal
tourné. Les larmes me piquent les yeux; plus que tout au monde, je
voudrais me retrouver dans mon petit lit d'enfant. [...] Tout ce que je
veux à cet instant, c'est tout ce que j'ai passé ma vie
d'adulte à fuir.
Ma maison.
Ma maison.
Je veux rentrer à la
maison.
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