Dans Gaza 1956,
Joe Sacco revient sur un évènement quasiment passé sous silence pendant
la crise de Suez en 1956 : dans
un rapport de l'ONU, en simple note de bas de page, un massacre
d'environ 275 villageois par l'armée israëlienne, à Khan Younis, est en
effet évoqué. Désireux d'en apprendre davantage sur cet
épisode, il repart à Gaza en 2002 et en 2003 - après un premier
voyage en 2001 qui lui avait rappelé cette note de bas de page - pour
interroger les survivants et connaître le fin mot de
l'histoire. Ce
reportage à Khan Younis va ensuite le mener à Rafah, à la recherche
d'informations sur un autre incident
meurtrier ayant eu lieu quasi simultanément, et dont les survivants
sont plus nombreux. Mais derrière cette instrusion dans un passé
palestinien douloureux apparaît également l'actualité du
conflit israélo-palestinien, toujours aussi important à l'époque du
reportage...
Voici enfin ma première lecture d'une BD de Joe Sacco : je devais commencer par Gorazde, mais j'ai choisi en fin de
compte Gaza (ma médiathèque a de très bons choix ! ). Dans ce genre de BD's (je pense notamment à Maus, Persepolis ou à L'art de voler), je n'avais jusqu'à présent jamais rencontré ce cas de figure : nous
ne sommes plus en
effet face aux témoignages de
conflits passés (la seconde guerre mondiale, la révolution iranienne
ou la guerre d'Espagne) dont les auteurs sont directement concernés
(puisqu'ils interrogent des membres de leur famille ou
racontent leur histoire), mais dans l'évocation journalistique du
conflit israélo-palestinien encore d'actualité dans la bande de Gaza.
Ainsi, la neutralité est de mise, autant dans les
graphismes que dans la narration, le but étant de raconter des
épisodes de ce conflit par l'intermédiaire de tous les survivants
possibles, et obtenir une version des faits au plus proche de la
réalité. Même si les épisodes racontés datent du début du conflit,
en 1956, ils mènent indubitablement aux évènements encore en cours dans
Gaza, mêlant donc forcément histoire et actualité /
recherche documentaire et investigation importante sur le terrain.
C'est
ce qui, à mon sens, rend cette BD passionnante et riche : n'étant pas
forcément une spécialiste de ce conflit qui sévit en
Palestine depuis plus d'un demi-siècle, elle m'a permis d'en avoir
une approche plutôt complète, sans pour autant être trop complexe pour
se perdre dans ses méandres. De plus, les graphismes, par
leur respect de la réalité et leur grande précision, nous entraînent
à la fois au milieu du XXème siècle et au début du XXIème : il arrive
en effet qu'un même lieu soit représenté sur la même
planche à ces deux époques, permettant de comprendre, et surtout de
visualiser les évolutions ayant eu lieu durant le conflit. Et bien sûr,
malgré l'aspect le plus neutre possible donné aux
interventions des survivants, le reporter se met en scène dans ses
planches, donnant par ci par là son point de vue sur ce qu'il entend et
découvre au fil des ses pérénigrations, humanisant
grandement son travail (sans le rendre cependant trop subjectif).
Gaza 1956
est une lecture que je n'oublierai pas de sitôt : Joe Sacco est
vraiment un auteur BD à découvrir de toute
urgence, autant pour l'originalité de son travail de reporter que
pour l' aspect fouillé et pertinent de son ouvrage. L'investigation
qu'il a réalisée prend d'ailleurs tout son sens et
toute sa force grâce aux graphismes, davantage que si cela avait été
une version écrite de ce même reportage. J'ai été en effet très touchée
par ce mode "d'écriture", encore assez marginal dans
le monde du journalisme. Je ne vais donc pas tarder à lire avec
beaucoup de plaisir Gorazde qui revient sur le conflit ayant eu lieu en Bosnie-Herzégovine.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire