The Wire

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Pour lutter contre la criminalité de plus en plus importante, la ville de Baltimore décide de mettre en place une unité de police qui devra traquer l'un des plus gros trafiquants de drogue de cette même ville, Avon Barksdale. Problème : aucune autre information n'est disponible sur cet homme, qui s'avère être prudent et qui a bien organisé son affaire. L'unité va devoir travailler de la même manière pour réaliser une enquête qui s'avèrera être de longue haleine et qui mettra en jeu bien plus qu'un simple trafiquant... 
 
 
Loin d'être une simple série policière (ce sur quoi l'on pourrait à la rigueur pencher au tout début de la première saison), The Wire décrit, de manière réaliste - que je qualifierai même journalistique voire sociologique-, la vie d'une grande ville "banale" du nord-est des Etats-Unis, Baltimore, en posant un regard minutieux sur toutes ses strates (de la mairie aux ghettos), la drogue et ses incidences sur le reste de la ville et de ses habitants étant au centre de cette description.
 
En effet, tout est, dans cette ville, lié à la vente et à la consommation de drogues :
     - la police doit, tout en remontant le plus haut possible la filière pour neutraliser au maximum ce milieu (systèmes d'écoute mis en place au fil des cinq saisons par une brigade spécifique formée de divers policiers de la ville : Stups, Criminelle...), protéger ses concitoyens de la violence qu'il entraîne (meurtres, délinquance...). Elle doit réussir cela en s'adaptant bien sûr aux aléas politiques et économiques (le jeu des promesses électorales, le bon vouloir des juges et des procureurs, la baisse drastique du budget fourni aux services de police, la nécessité d'augmentation des statistiques pour obtenir des subventions), donnant lieu à des expérimentations inattendues comme Hamsterdam, un ghetto légalisant le trafic créé par un capitaine de police (saison 3).
     - la jeunesse laissée pour compte dans des quartiers en ruine du fait d'un système éducatif inadapté finit par s'intégrer plus facilement à la rue qu'au système scolaire. Les jeunes deviennent en effet souvent "corner boys" : chacun a un coin de rue délimité sur lequel il  choisit ses "hommes" pour vendre certaines quantités de drogue, un bon corner boy pouvant devenir plus important dans la hiérarchie quand il se comporte en "bon soldat" pour ses supérieurs (principalement dans la saison 4). 
     - les quartiers industriels comme les docks (plus directement les syndicats), faute de pouvoir survivre honnêtement en raison des conditions économiques difficiles (automatisation, rachats des entreprises, délocalisation, perte de clientèle...), finissent par travailler plus ou moins directement pour la filière, notamment par la pratique du marché noir (saison 2).
     - les milieux politiques et financiers, devant minimiser cette omniprésence pour espérer garder / obtenir la main sur le pouvoir, s'affrontent à grands coups de réformes, de budgets, de paroles rassurantes pour obtenir la voix des citoyens (surtout à partir de la saison 3).  
 
En fil rouge de la description minutieuse de toutes ces microsociétés, bien sûr, celle dont elles dépendent toutes : le trafic de drogue. Des rivalités entre gros dealers jusqu'à celles entre corners boys, des périodes de "guerre froide" entre quartiers possédés par différents dealers aux guerres de territoire, de la constitution d'une petite fortune au blanchiment d'argent, rien n'est oublié pour comprendre comment se fonde de manière souterraine cette société.   
 
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Cette série, que je n'ai découverte que tout récemment, m'a vraiment scotché, autant pour la qualité de son scénario, riche et cohérent, pour sa réalisation, sobre mais efficace, que pour ses personnages qui, bien que nous soyons dans un univers de fiction, sont d'une humanité, et donc d'une richesse, impressionnante.
 
Nous ne sommes pas ici dans le genre de séries où tout est violent gratuitement et hyper rapide, où tout est fait pour surprendre le téléspectateur, le tenir en haleine jusqu'à l'épisode suivant, voire jusqu'à la saison suivante. Je pense à tous ces foutus cliffhangers, que je trouve de plus en plus désagréables et malhonnêtes, qui obligent bien malgré soi à continuer une série pour découvrir ce qu'il va se passer : rien de plus humain que de vouloir obtenir une réponse à des questions posées auparavant, pourquoi ne pas s'en servir pour augmenter les audiences et les recettes ?
 
Dans The Wire, l'action se met en place lentement, mais sûrement. Les personnages, très nombreux, se découvrent au fil des saisons, comme si on apprenait à les connaître de plus en plus personnellement, jusqu'à ce qu'ils deviennent des individualités touchantes et crédibles, chacun à sa manière - mes préférences allant à McNulty, Freamon, Bubbles, Omar, Prezbo, Chris, Dunquan, D'Angelo, Bodie et je dois en oublier : pour savoir qui ils sont, allez voir les cinq saisons rapidement si ce n'est déjà fait - !   De ce principe, le manichéisme et les clichés ne sont surtout pas de mise, et c'est aussi un point important et agréable à souligner : la violence, bien sûr partout (ce n'est pas une série qui décrit un univers merveilleux), est présente des deux côtés et représentée sans artifices. Cette crudité, parfois choquante, parfois inattendue, ne la rend que plus vraisemblable elle aussi.
 
C'est grâce à cette atmosphère particulièrement vraisemblable qu'on en arrive à accrocher à l'histoire qui se déroule sous nos yeux, et qu'on est complètement pris à ce que l'on regarde : au fil des cinq saisons, je me suis senti tour à tour indignée, amusée, attristée... sans que ces émotions ne viennent d'une quelconque dramatisation exarcerbée par la réalisation ou le scénario, mais bien de cette vraisemblance qui ne peut que nous toucher. Quand on regarde après coup le CV des deux créateurs, on ne s'en étonne guère : David Simon et Ed Burns ont en effet été respectivement journaliste pendant 12 ans pour le Baltimore Sun City Desk et officier de police / enseignant pendant de nombreuses années à Baltimore.    
 
Je crois que ce qui a enfin donné pour moi à cette série tout son sens et sa force, c'est le dernier épisode. Les tout derniers instants mettent en effet face à une terrible réalité qui dépasse franchement la fiction, au point d'être à mon sens une dénonciation très forte de la part des créateurs de la tournure qu'a pris en général notre société. Malgré les cinq saisons passées, malgré l'évolution de la ville et des personnages qui nous laissent penser que la page aurait dû se refermer sur une ère de changement, on ne fait qu'arriver à un nouveau cycle, où seuls les acteurs changent, mais pas la société dans laquelle ils gravitent. D'un pessimisme impressionnant, mais tellement vrai...
 
 
Le roman que je viens d'écrire sur The Wire parle de lui-même (et encore je n'ai pas écrit tout ce que je voulais dire) : c'est une série qu'il faut absolument voir parce qu'elle est passionnante, touchante, intelligente, réaliste et de ce fait dérangeante. Elle est une de ces raretés dans le climat télévisuel de ces dernières années à ne manquer sous aucun prétexte !

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